Interview de Julie Fuchot par France Yorel
Photos: J Fuchot
Quand vous êtes abandonné de tous, il ne vous reste plus qu’à fouiller dans les poubelles, et à voler, pour ne pas mourir de faim.
Semaine 1
« Quand vous êtes abandonné de tous, il ne vous reste plus qu’à fouiller dans les poubelles, et à voler, pour ne pas mourir de faim. Les humains me chassent de leurs jardins, les chiens me grognent dessus, je suis mort de peur, mais la rue est ma maison. Je me cache, je me faufile, mon unique but dans la vie est de trouver un peu de nourriture.
Ah, j’en ai pris des coups de balais ! J’ai même échappé de justesse à un coup de pelle !
Cela fait six mois que j’erre dans ce village. Je dors sur la terre battue dans un garage abandonné. C’est mon refuge, mais je dois veiller jour et nuit pour le garder car des matous au ventre rebondi viennent me narguer.
Certains humains tendent une main vers moi et je suis terrorisé car je sais que leurs mains servent à frapper ou étrangler. »
Semaine 2
« Je crève de faim. J’ai bien du mal à attraper des mulots, je suis pataud et peu agile.
Dans la cour d’une maison, j’ai aperçu du pain.
Le portail est ouvert, je vais essayer d’aller en chercher sans me faire attraper. Je m’approche doucement.
Personne.
J’emporte un bout de pain dans ma tanière. Je croque mon repas en deux minutes. Il m’en faut encore.
Je retourne sur mes pas, mais un homme est posté derrière sa fenêtre.
Il m’observe et dit des mots que je ne comprends pas :
« Petit, petit, viens petit ! Viens manger le pain ! »
Je pars, je reviendrai plus tard. »
Semaine 3
« Je viens tous les jours dans cette cour pour voir cet homme. J’ai compris que le pain était pour moi. Quand il n’y en a pas, j’aboie doucement sous sa fenêtre pour qu’il m’en donne.
La fenêtre s’ouvre, je recule jusqu’au portail.
L’homme me lance du pain. J’attends qu’il ait fermé sa fenêtre pour m’approcher. Je sais qu’il m’observe
derrière la vitre.
Je mange sur place, je n’ai plus besoin de me sauver avec la nourriture. "
Semaine 4
« Je me sens mieux. J’ai moins faim. Le pain qu’on me donne remplit mon estomac et je reprends un peu confiance.
Dans la maison, à côté, il y a un chien. Il ne grogne pas quand je passe à quelques mètres de lui. Il se contente d’humer l’air pour capter mon odeur. Sur le seuil de la porte, j’aperçois un peu de viande. J’ai très peur mais cela fait si longtemps que je n’en ai pas mangé. Je suis attiré malgré moi.
Le chien est couché. Il m’observe.
Je m’approche de la viande sans le lâcher du regard. J’attrape les morceaux et je file les déguster plus loin. »
Semaine 5
« Je me rends chaque jour dans le jardin de la maison au chien. Il y a de la viande pour moi, et Toby -c’est le nom du chien- me la laisse manger.
La dame de la maison essaie de m’approcher avec de la nourriture, mais je suis trop effrayé, je recule.
Elle pose la viande à quelques mètres d’elle, et là, j’ose approcher.
Je me suis laissé sentir par Toby et je l’aime bien. Il est devenu mon ami, et je reste dans ce jardin toute la journée avec lui.
Dans le pré, juste à côté, vit un cheval. Nous nous sommes reniflés le museau et on s’apprécie.
Quand Toby part se promener avec sa maîtresse, je les suis, mais je ne me laisse pas encore toucher.
La nuit, le portail est ouvert et je peux aller où bon me semble. »
Semaine 6
« La dame ferme le portail la nuit, à présent, et je n’aime pas du tout. Je me sens en prison et j’aboie.
Elle vient me rassurer plusieurs fois dans la nuit, je m’habitue à sa présence. Elle s’appelle Julie.
Cela fait deux semaines que je suis à moitié adopté par cette famille. J’ai laissé toucher le bout de mon nez. Que de progrès !
Ma sauveuse doit partir la journée, elle me laisse en compagnie de Toby.
Ensemble, on marque notre territoire en aboyant après les passants. Qu’est-ce que c’est gai d’avoir un ami ! »
Deux mois plus tard...
« Cela fait deux mois que je vis dans ce jardin. Je mange à ma faim et on m’appelle Gamin. Ce nom me va comme un gant mais au début, je ne comprends pas que c’est moi qu’on appelle.
Je me laisse un peu caresser par tous les membres de la famille, y compris le monsieur qui me donnait du pain au début.
J’accepte d’entrer dans la maison et on a pu accrocher un collier à mon cou mais je n’accepte pas encore la laisse.
Le temps sera encore long pour que je connaisse mon nom et que je me laisse dorloter, mais je sais que maintenant :
JE SERAI HEUREUX ! »
© CELSIUS Prod, SABAM2019
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