COMPORTEMENTALISTE CANIN & COACH

Entretien avec Richard Mongrolle

par France Yorel - photos : R Mongrolle



Richard est coach de vie (pour humains) mais également comportementaliste canin.


Cela lui permet d'accompagner le binôme humain/chien et d'apporter des solutions pour développer l'harmonie, la sérénité, la complicité chez le chien et son humain.


La différence entre éducateur canin et coach se situe surtout au niveau de son parcours de formation, car au départ, il souhaitait devenir coach pour humain mais finalement, il trouve que coacher des chiens et leurs humains est beaucoup plus agréable  que coacher purement et simplement un humain seul.

Son métier consiste à  accompagner l'humain sur l'éducation de son chien mais également sur d'autres problématiques, comme le regard de l'autre, la communication dans la famille, l'estime de soi, etc.

Portrait d'un binôme heureux


Depuis quand faites-vous ce métier?


Depuis août 2018.


Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce métier?


Le manque d'intérêt pour les besoins du chien. Parfois les demandes sont égocentrées, car l'humain est en carence, a besoin de répondre à ses propres besoins et ne sait pas entendre les besoins du chien. Et moi, qui vois les besoins du chien, c'est parfois difficile à accepter comme situation.

 

Où pratiquez-vous?


Sur Bordeaux et la CUB en général.

 

Avez-vous un chien ? Vous est-il  utile au quotidien dans votre métier ?


J'ai une chienne qui venait travailler avec moi quand elle était plus jeune, sans utilité particulière, mais ça facilitait l'organisation de certaines séances (et parfois en perturbait d'autres). Ma chienne n'étant pas un outil, elle n'est pas utile dans ce sens-là. Ça me permettait d'être gonflé à bloc toute la journée par sa simple présence.

 

Parlez-nous de votre chienne.


Ma chienne s'appelle Wendy, labrador croisée beauceron/border. Elle a six ans. Adoptée par des particuliers dépassés par ses comportements vers l'âge de six mois. Elle a été sevrée au biberon par les particuliers. Elle est très sensible. Énormément attachée à moi (et c'est réciproque !). Gentille, mais il ne faut pas non plus lui marcher sur les coussinets.

 

Est-ce que votre métier envahit votre vie personnelle?


Je ne saurais dire. Je n'ai pas d'horaires de travail et je le vis bien. Quand je veux avoir la paix, je ne regarde pas le téléphone qui est toujours en silencieux et voilà.

Je pense que oui, du coup, mais mon "métier" fait partie intégrante de ma personne et donc de ma vie personnelle.

 

" Ayez

CONFIANCE

en vous, ça va bien se passer.  "

Quelle situation la plus pénible avez-vous dû affronter depuis que vous faites ce métier?


      La phrase « Je t'ai prévenu par pure sympathie. Maintenant je ne veux plus qu'il vive. » d'un client que je n’ai vu qu'une fois, qui au lieu de planifier une autre séance a fait comme il a fait avec les autres pros avant moi : il a laissé traîner ... et du coup quand son chien a dérapé, il a décidé de le faire euthanasier, alors que dans l'heure, j'avais trouvé une solution pour placer son chien en refuge ... 

       

      Ces situations-là, où notre accompagnement atteint ses limites, sont parfois délicates à accepter.

      Cela m'a pris du temps et m'a motivé pour créer ma propre association de protection animale, "l'Association de Revalorisation Canine", afin de pouvoir accompagner sur tous les plans les clients, et éviter d'avoir à revivre cela, je l'espère.

      J'ai été vraiment marqué par cette histoire. Notamment car tout allait bien dans le contexte familial, quand le chien était en vacances avec la femme et les enfants. Ce n'est que lorsque le chien est revenu et a été en présence du mari que les problèmes d'agressivité sont réapparus.

      Le chien ayant trop peur du mari, il a redirigé son stress sur l'enfant, une ado, qui a eu une marque sur le visage (disparue trois jours après selon le mari, quand j'ai pris des nouvelles).

      Et c'est pour cette trace-là, que le chien a été euthanasié (en présence de l'adolescente, amenée là par son père, chez un vétérinaire trouvé sur l'annuaire, car le vétérinaire habituel ne voulait pas euthanasier le chien sans procédure « chien mordeur » ...).

       

      Quelle est la plus belle histoire que vous pouvez nous raconter ?


      Chaque client qui retrouve le sourire, chaque chien qui retrouve sa curiosité et sa joie de vivre est une belle histoire. Trouver la plus belle est difficile.

      Je me rappelle, à mes débuts, ça faisait quelques mois que j'étais pro, et une dame m'a appelé pour un chiot "mordeur".

      Je n’y croyais pas. J'étais naïf encore. Pour moi, un chiot, ça mordille. Et là, j'ai découvert LA terreur du quartier. La dame est arrivée avec un manteau en lambeaux, j'ai cru qu'elle était dans une situation précaire ... en fait, non, c'est juste que le chiot lacérait son manteau.


      Ce chien a été éduqué par un autre professionnel du monde canin, avec un "pet corrector" (une bombe à air comprimé, sans douleur mais qui fait peur).

      Exemple des conséquences : arrivé au passage piéton, un « tu attends ? » Le chien saute sur le poignet.

      Pourquoi ? Parce qu’il a associé  la main droite au pet corrector, donc il faut choper la main droite.

      C'était Okapi, six mois, déjà conditionné à se défendre contre l'humain censé être le garant de son bien-être.

       

      Ensuite, vu la situation, malgré les progrès du chien, la propriétaire n'avait plus l'énergie nécessaire. C'est comme un portable qui n'a quasiment plus de batterie. Ce n'est pas parce que  tu sais quel est le bon itinéraire avec ton GPS que tu pourras l'atteindre : si ton portable s'éteint avant ... C'était pareil pour elle. Elle avait trouvé les bonnes méthodes, avec moi, mais elle n'a pas eu assez d'énergie. C'est un cas courant, vraiment.

       

      Le chien, je l'ai récupéré du coup avec moi pendant cinq jours et je l'ai rééduqué. Il a été placé dans une famille d'accueil sur Lille, où sur le papier tout semblait bon, vraiment le dossier était en béton armé. Et ... drame à nouveau, les gens n'ont pas été voir l'éducateur qu'on leur avait conseillé sur place.

      Donc, un trajet Bordeaux-Lille plus tard, je retrouvais mon petit Okapi, qui s'est fait littéralement pipi dessus quand il m'a revu, que j'ai pu promener sans laisse autour du quartier,  qui a retrouvé sa famille d'accueil sur Bordeaux.

      Et sa famille d'accueil l'a adopté, et maintenant il est super heureux, équilibré et bien dans ses pattounes.

       

      Malgré tout, l'éducation laisse des traces, pas uniquement physiques, mais surtout psychologiques. Cela a été compliqué de le rééduquer, alors que c'était un chiot.

      Pour moi, vu l'historique de ce chien, et la façon dont j'ai pu m'occuper de lui, je me suis énormément attaché à ce poilu. C'est une des plus belles histoires que j'ai en mémoire, car il est parti de loin et a pu finir par être heureux.

       

      Qu’avez-vous envie d'ajouter ?


      L'éducation canine devrait toujours être pensée en tenant compte du binôme humain/chien ainsi que  tout ce qu'il y a autour, les autres chiens, les autres animaux, les autres humains, les voisins, les gens qui vont passer s'occuper du chien, etc.

       

      Les gens pensent que c'est facile, en soi ça n'est pas difficile. Mais c'est complexe : il y a plusieurs choses à considérer. Et vous êtes important mais vous n’êtes pas au cœur du système.

       

      Aucun besoin n'est supérieur à celui des autres : les besoins du chien ne sont pas supérieurs à vos besoins. Et vos besoins ne doivent pas être supérieurs à ceux du chien.

      Il faut savoir faire preuve de compromis pour vivre en harmonie.

      Comme on le fait dans une vie de couple, par exemple.

       

      Pour autant, on ne contrôle que notre propre personne et nos propres besoins. Il faut donc accepter qu'on ne contrôle pas le chien ni ses besoins.

      Et le chien fait ce qu'il fait car il en a besoin.

      Tout comme un chien n'ira pas boire s’il n'a pas soif : c'est donc bien qu'il fait les choses car il en a besoin.

      Comme vous, quand VOUS avez adopté CE chien-là, vous en aviez besoin. Lui, avait-il besoin de vous ?

       Donc, c'est à vous maintenant de prendre soin de lui.


      Et, ayez confiance en vous, ça va bien se passer.


      © CELSIUS Prod, SABAM201

       

      LES CONSEILS DE RICHARD

      POUR DEVENIR COMPORTEMENTALISTECANIN

      Il faut travailler son écoute, avoir de l’empathie, pour comprendre le client en profondeur et pouvoir l'accompagner vers le changement.


      Concernant le chien, il faut avoir soif de connaissances si on veut s'intéresser réellement aux comportements canins.


      Il faut être curieux et lire des revues scientifiques, avoir envie de comprendre la biologie, la  psychologie animale, les neurosciences.


      Si on est juste intéressé par le fait d’éduquer les chiens, on peut devenir éducateur canin.